''Les femmes sont en première ligne''
on entend beaucoup cette phrase répétée ces derniers temps. Et pour une juste raison, elle est vraie, elle l’a toujours été. Et pour la première fois dans l’histoire, ça n’échappe plus à personne.
Chers hommes, et pour être précise, chers HSBC* confinés (mais libre à chacun de se sentir visé ou pas par ce texte), les temps sont durs pour vous et je comprends votre souffrance.
Je comprends que ce soit très pénible pour vous en particulier. En effet, c’est très dur de se sentir soudainement inutile quant on se pensait important. C’est dur de se rendre compte que vos jobs ne servent à rien et peuvent, du jour au lendemain, disparaitrent sans une âme pour y penser. C’est dur de se retrouver face à son incapacité à gérer émotionnellement la crise que nous traversons. C’est dur de réaliser qu’on a besoin des autres. Et pour ceux vivant en couple avec une femme et éventuellement des enfants, j’imagine que constater le travail invisible que votre compagne effectue quotidiennement, tout en vous rendant compte que non seulement vous n’y participez pas ou si peu, mais qu’en plus vous êtes incapable de prendre la relève, ça doit être réellement dur.
Pire ! Comble de la difficulté, vous ne pouvez même plus vous raccrocher au prestige de votre genre que vous aimez tant pour retrouver du sens. Pour la simple et bonne raison que les personnes actuellement « au front' » pour sauver le monde sont des femmes. Femmes auxquelles vous ne pouvez vous identifier. Difficile à avaler et pourtant ; ceux qui font marcher la société en temps de crise, les « héro » sont dans leur grande majorité de genre féminin. De l’autre côté, ceux qui passent pour et sont les méchants ces derniers temps, les flics et les dirigeants, sont majoritairement de genre masculin. Je comprends que cette constatation fasse mal à l’ego du ‘’sexe fort’’ sans lequel, finalement, on s’en sortirai tout aussi bien (voir mieux ?).
Aujourd’hui chers hommes, c’est très dur pour vous; vous n’avez plus aucun moyen d’être fiers d’être vous-même en rabaissant les autres. Le constat est là : travail inutile, rôle dans le foyer quasi-inexistant, potes absents, salle de sport fermée, prestige du genre impossible… Ce sont tous les pans de l’homme bien viril, bien puissant qui tombent dans cette crise.
Je comprends votre souffrance.
Et pour gérer celle-ci, plutôt que comprendre et réaliser que le travail dévalorisé et sous-payé des femmes et des précaires est bien plus important à la société que la stratégie financière sur 4 ans d’une quelconque start-up… Plutôt que penser à une nouvelle forme d’approche de vos émotions et de ces sentiments désagréables… Plutôt que réfléchir à tout ça et vous dire : ‘‘peut être est-ce normal que les féministes nous cassent les couilles régulièrement sur ces sujets’’, vous faites exactement comme d’habitude. Zéro surprise. Vous gérez votre souffrance en nous en mettant plein la gueule. C’est beaucoup plus facile que d’amorcer une réflexion sur votre comportement, votre vision du monde et vous même.
Ainsi, pas contents de la situation, vous nous l’exprimez d’une manière on ne peut plus claire. Augmentation des violences conjugales, explosion du cyberharcèlement et de la pédopornographie, exacerbation des inégalités au foyer, blague de très mauvais gout justifiées par le « manque » de femmes à admirer quotidiennement, et, bien entendu, injonctions aux femmes à la perfection dans tous les domaines.
Impossible de passer à coté votre souffrance face à la situation actuelle. Vous allez très mal, on n’a pas loupé l’info.
Vous n’avez aucune envie de préparer un quelconque monde d’après, vous voulez très très vite revenir au monde d’avant. Je parle bien entendu de cette période durant laquelle les femmes avaient des boulots ‘’qui ne rapportent rien’’ ou, pour les plus chanceuses d’entre-elles, avaient bénéficié d’une ‘’promotion canapé’’. Cette époque où faire ‘’du social’’ n’était ni valorisé, ni reconnu. Cette époque où d’ailleurs, les femmes faisaient du social naturellement et gratuitement. Vous savez, quant elles acceptaient de vous donner le beau rôle et de vous écouter même quand vous vous comportiez comme des salauds invoquant vos ‘’problèmes personnels’’ pour justifier ces comportements. Cette époque durant laquelle les féministes n’étaient que des extrémistes hystériques marginales aux revendications facilement tues par des arguments économiques forts du genre « y’a pas d’argent magique ».
Vous chers hommes, vous voulez retrouver ce monde dans lequel on prenait soin de vous gratuitement
et, surtout, dans lequel on avait besoin de vous. Ou devrai-je dire, le monde dans lequel vous pouviez encore nous le faire croire. Aujourd’hui, plus tellement. N’est-ce pas ?
Les faits sont là, nous pouvons nous passer de vous et continuer à faire tourner la machine. Et le pire dans tout ça, c’est que vous êtes les seuls responsables de cette situation. Vous avez exploité les femmes comme les travailleurs précaires, et les avez relégués à des jobs sans valeur financière ou sociale. Et nous voilà, on gère la crise sans vous. Parce que ce dont la machine a le plus besoin pour tourner, ce ne sont pas les tissus de velours qui la couvre pour faire joli, mais bien les rouages qui tournent en continu en dessous. Mais ce n’est pas tout. Comme rendre invisible ou gratuit le travail des femmes ne vous suffisait pas, votre intolérance à leur succès les a poussées à être toujours plus fortes que vous dans vos propres domaines de prédilection. A l’heure actuelle, les femmes sont plus éduquées que les hommes. Elles envahissent les bullshit jobs dans lesquels elles essaient de mettre le sens qu’il y manque avec succès quant elles ne gèrent tout modestement pas mieux les crises nationales. Ainsi, même dans le monde d’avant, sans votre solidarité masculine nous empêchant d’obtenir l’influence et les postes les plus hauts placés, nous étions déjà en mesure de comprendre que votre domination est très loin d’être une performance de genre. Nous savions déjà qu’il ne s’agit que d’un tissu de règles soyeuses créées par vous-même pour conserver et légitimer votre soi disant utilité supérieure.
Bref, vous le comprenez enfin chers HSBC confinés, on peut se passer de vous. En tout cas de cet homme que certains s’acharnent encore à sauver alors que son personnage, son monde et son utilité apparaissent comme nuls aux yeux de tous·tes aujourd’hui. Cet homme capitaliste et patriarcal, exploitant le travail des plus démunis, les corps des femmes et les ressources naturelles comme si ces-derniers lui appartenaient de fait. Cet homme ne fait plus envie à personne. Il est socialement inutile, professionnellement incompétent, et il a détruit son monde par arrogance et avidité.
Avant, on le savait.
Aujourd’hui, ça saute aux yeux.
Et pour cette raison, vous n’êtes pas contents.
Collectif Collages Feministes LYON